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Ramakrishna, un vent nouveau sur le yoga

Vishnu se reposant sur le serpent Shesha

Ramakrishna, le prophète de l’harmonie des religions, a fait souffler un vent nouveau sur le yoga. Son influence se fait sentir aujourd’hui encore.

Ramakrishna est un grand mystique de la deuxième moitié du XIXème siècle, qui a véritablement renouvelé et revivifié le yoga.

Son influence  a été indirectement très grande sur l’Occident, grâce à l’un de ses élèves, disciple et successeur, Vivekananda.

Enfance et  jeunesse :

Gadâdhara Chattopadhyâya, de son nom d’initié Ramakrishna , est né dans une famille de brahmanes très religieux et pauvres en 1836, à Kamarkupur au Bengale.

C’est en 1835, alors que son père, âgé de 65 ans, accomplit le deuxième pèlerinage de sa vie à Gava (lieu saint marqué par l’empreinte du pied de Vishnu), qu’il a une vision où Vishnu lui fait la promesse de s’incarner dans le fils qu’il va avoir.

De son côté, sa mère a une vision devant le temple de Shiva à Kamarpukur, qui lui annonce la naissance d’un enfant divin.

Initiation brahmanique :

Conformément aux traditions de sa caste, lors de l’initiation brahmanique à l’âge de 9 ans, il reçoit le cordon sacré des brahmanes.

Désormais une nouvelle vie commence pour le jeune Gadâdhar. 

Il prie, et se livre également au rite de la pûjâ. Dès que le jeune Râmakrishna entre en méditation, le Seigneur lui apparaît  aussitôt. 

Plus tard,  ces phénomènes extatiques furent interprétés comme des extases yogiques

Ramakrishna aurait été, selon ses disciples, l’un des rares humains à avoir expérimenté l’ultime stade du yoga, le nirvikalpa-samâdhi, état d’où en général on ne revient plus et où le méditant médite directement  sur son propre âtman (âme), sans aucune intervention de la connaissance discursive.

Vishnu.

Vishnu

Ses disciples voyaient aussi en lui une incarnation plénière de Dieu (Vishnu).

Prêtre de la déesse Kâlî à Dakshineswâr :

A l’âge de 20 ans (pour remplacer son frère, qui vient de mourir), Râmakrishna devient prêtre de la déesse Kâlî dans le temple de Dakshineswâr.

Il se marie en 1859, à 23 ans, avec Sâradâ Devî, qui n’avait que cinq ans. Ce mariage n’a jamais été consommé. Ramakrishna n’a jamais éprouvé de désir pour une femme,  car il ne voyait dans les femmes que des manifestations de la Mère Divine.

Râmakrishna a eu deux maîtres :

  • Le premier était une femme, la Bhairavi Brahmani, qui l’a initié à la voie tantrique et à la voie vichnouite de la bhakti.
  • Le deuxième était Totapuri, qui l’a initié à la voie de l’advaïta-vedânta et du jnâna-yoga.

Son premier maître : Yogîshvârî, la Bhaïravi Brahmani :

Yogîshvârî, la Bhaïravi Brahmani (« nonne brahmane ») était une renonçante d’environ 50 ans qui ne possédait que deux vêtements et quelques livres.

Elle était une adepte du tantrisme et du vichnouisme.

Elle rassura Ramakrishna sur sa « folie » apparente:

« mon fils, dans ce monde tout le monde est fou. Les uns sont fous d’argent, d’autres le sont de créatures, d’autres de luxe ou de renommée. Vous, vous êtes fou de Dieu ! »

Au vu de ses expériences mystiques, elle pensa bientôt que seule une incarnation divine était capable de telles expériences, et que Ramakrishna avait atteint le sa-vikalpa-samâdhi (enstase qualifiée), état yogique d’une difficulté rare précédant le tout dernier stade du yoga, le nir-vikalpa-samâdhi (enstase non qualifiée), et que donc Ramakrishna était une incarnation plénière de Vishnu, comme Râma ou Krishna. Deux pandits (érudits hindous) furent convoqués  et confirmèrent le diagnostic de Yogishvari.

Ramakrishna réagit avec humour:

« En tout cas je suis content de savoir qu’il ne s’agit pas d’une maladie ».

La Bhaïravi Brahmani initia Ramakrishna au tantrisme.

Au bout de trois jours il atteignit le samâdhi

Puis elle l’initia à la bhakti, la relation à Dieu par l’amour sans limite. Pour mieux développer cet amour de Dieu dans le cœur du croyant, le vichnouisme humanise Dieu que l’on présente comme un parent, un maître ou un ami. Mais au fur et à mesure de cette ascension dans l’adoration de Dieu, les personnifications s’effacent et le fidèle découvre la vraie communion avec Dieu lui-même. Alors, plus rien ne le sépare de son idéal, aucune obligation sociale ou morale ne peut le lier au monde l’esprit qui a pris son essor vers le Divin.

Son deuxième maître : Totapuri / l’Advaïta-Vedânta (1864) :

Totapuri était un ascète renonçant védantin.

Il était un adepte du non-dualisme absolu (advaita-vedânta) ou monisme.

Sri Ramakrishna

Cette école philosophico-théologique professe qu’il n’ y a qu’une seule Réalité, le Brahman, et que le monde que nous voyons n’est qu’un reflet du Brahman absolu, et qu’il n’a donc qu’une réalité seconde, comme l’image d’un objet dans un miroir par rapport à l’objet lui-même.

Totapuri lui fit passer la célèbre cérémonie de renoncement au monde qui fit de lui aussi un renonçant :

Aux premières heures du matin, le jour dit, un feu fut allumé au Panchavati devant lequel les deux hommes s’assirent. Puis Ramakrishna renonça solennellement à tout attachement, à sa famille, à ses amis, à son propre ego. Le feu consuma son cordon de brahman. Puis il accomplit, dépouillé de ses vêtements, son propre service funèbre, et reçut de son gourou la robe ocre des samnyâsin.

Râmakrishna eut beaucoup de difficultés à se séparer de l’image de la Mère Divine

 » Je n’avais aucune difficulté à détacher mon esprit de tous les objets, sauf de la forme trop familière de la radieuse Mère, essence de la Pure Conscience, qui apparaissait devant moi comme une vivante Réalité. Son sourire enchanteur me barrait la route de l’au-delà. J’essayai à plusieurs reprises de concentrer mon esprit sur les enseignements de l’Advaïta. Chaque fois, la forme de la Mère m’en empêchait. » 

Introduction à l’Evangile de M, p. 29. 

Puis, se servant de sa pensée comme d’un glaive, il fendit l’image de la mère Divine en deux. Cette dernière barrière une fois tombée, son esprit s’éleva au-delà du plan phénoménal, et il réalisa le nirvikalpa-samâdhi. 

Il y resta trois jours. 

Totapuri demeura onze mois à ses côtés. Puis il vécut, après le départ de son maître,  pendant six mois en nirvikâlpa-samâdhi, nourri et soigné par son épouse Sâradâ Devî, ainsi que par ses disciples.

Râmakrishna passa le restant de sa vie partagé entre le plan de l’Absolu et le plan du phénoménal, adorant tantôt le Dieu personnel (Kâlî, la Mère Divine), tantôt le Dieu impersonnel (le Brahman).

Expérience des grandes religions : l’islam et le christianisme :

En 1866, Râmakrishna fit l’expérience de l’islam. Pendant quelque temps, il répéta constamment le nom d’Allâh, s’habilla en musulman et pratiqua les disciplines spirituelles de l’islam. Il oublia les dieux et les déesses hindous, même Kâlî, et cessa de fréquenter leurs temples. Lors d’une méditation, le visage radieux du Prophète Mohammed lui est apparu dans une vision.

Carlo Crivelli, 1490, National Gallery of Art

Huit ans plus tard, en novembre 1874, en écoutant lire la Bible dans un jardin de Dakshineshwar, il fut saisi du désir de connaître le christianisme. Il avait été fasciné un jour par une peinture de la sainte Vierge et de l’Enfant jésus qu’il avait vue dans un salon de Dakshineshwar. Il en fut si bouleversé que pendant plusieurs jours il ne put entrer dans le temple de Kâlî. Le quatrième jour, alors qu’il se promenait dans le Panchavati, il vit venir vers lui un être aux beaux yeux et au teint clair dans une attitude sereine. Comme ils se trouvaient face à face tous les deux, une voix se fit entendre dans le tréfonds de Râmakrishna  : 

 » Contemple le Christ qui a versé le sang de son cœur pour la rédemption du monde et qui a souffert un océan d’angoisse pour l’amour des hommes. C’est lui, le Maître, qui est en union éternelle avec Dieu. C’est Jésus, l’amour incarné «  

Introduction à l’Évangile de M., p.34

Ramakrishna et l’unité transcendantale des religions :

Râmakrishna ne pensait pas qu’une seule religion pouvait seule posséder la vérité à l’exclusion des autres. 

Pour Ramakrishna, tout concept métaphysique nécessite une forme pour l’énoncer, mais il est impossible de croire qu’il n’en existe qu’une seule.

Les religions sont des expressions particulières, des limitations de la Vérité Transcendante qui déborde ces cadres ou les brise, ou encore les abandonne pour des cadres nouveaux, lorsqu’ils tendent à l’étouffer. Il croyait qu’il y a un Dieu, principe unique et suprême de toute foi, et que les religions sont des chemins pour aller à Lui.

 » J’ai pratiqué toutes les religions: hindouisme, islam, christianisme, et j’ai suivi aussi les voies des différentes sectes de l’hindouisme … Et j’ai trouvé que c’est le même Dieu vers qui toutes se dirigent, par des voies différentes … Un étang a plusieurs ghât-s (escaliers). De l’un, les hindous puisent l’eau dans des cruches, et ils l’appellent jal ; de l’autre les musulmans puisent de l’eau dans des outres en cuir, et ils l’appellent pani ; d’un troisième, les chrétiens, et ils l’appellent water. Pouvons nous imaginer que cette eau n’est pas jal, mais pani ou water ?  Comme c’est ridicule ! la substance est Une sous différents noms, et chacun cherche la même substance. « 

Évangile de M., p. 35.

 » Dieu est sur le toit. Il s’agit d’y grimper. Les uns prennent une échelle, les autres une corde, ou un escalier de pierre, une perche en bambou, d’autres escaladent à leur manière. Ce qu’il faut, c’est arriver sur le toit. Peu importe que vous ayez choisi telle ou telle voie. Ce qu’il ne faut pas, c’est employer à la fois plusieurs manières, prenez-les successivement. Lorsque vous avez trouvé Dieu, vous êtes sur le toit … et vous comprenez alors qu’on peut prendre différents chemins pour l’atteindre. Vous ne devez en aucun cas considérer que les autres chemins ne mènent pas à Dieu. ce sont d’autres voies vers le même toit. Laissez chaque être suivre son propre sentier. « 

Évangile de M., p 135

La fin de Ramakrishna

Kali

Atteint d’un cancer à la gorge, son état s’aggrava au cours de l’année 1886. 

A une heure du matin, le 16 août 1886, le visage éclairé d’un sourire, il s’éteignit. Tandis qu’elle endossait soin vêtement de veuve, Sâradâ Devî entendit dans un moment de révélation : 

« Je suis passé seulement d’une chambre dans une autre » 

Évangile de M., p. 73.

Relation entre Ramakrishna et Vivekananda :

Ces deux maîtres étant hors norme, leur relation l’est aussi, dès la première rencontre, et aussi par ce que Vivekanda en a fait, après la mort de son maître. 

Vous pouvez en lire les détails ici.

Quelques paroles de Ramakrishna :

L’idée d’un ego individuel c’est comme si, après avoir mis de côté un peu d’eau du Gange, vous appeliez cette quantité séparée votre propre Gange. 

Mort et naissance :

La naissance et la mort sont comme les bulles sur l’eau. L’eau est réelle, les bulles sont éphémères ; elles s’élèvent hors de l’eau, puis y retombent. De même, Dieu est un Océan dont les bulles sont des âmes. Par Lui elles naissent, en Lui elles existent, à Lui elles retournent. 

Beaucoup de gens se vantent de leurs richesses et de leurs pouvoirs, de leur nom, de leur renommée et de leur haute position dans la société. Mais, toutes ces choses éphémères, ils ne les retrouveront pas après leur mort.


La conduite de la vie :

Sans doute l’argent est nécessaire ici-bas, mais il n’est pas bon de trop s’en occuper, pas plus que des autres profits matériels. La meilleure attitude est de se contenter de ce qui vient naturellement. Ne cherchez pas à amasser. Ceux qui consacrent leur vie et leur âme à Dieu, ceux qui sont Ses adorateurs et cherchent en Lui un refuge, ne s’inquiètent pas des choses terrestres. Ils règlent leurs dépenses sur leurs recettes. Si l’argent arrive entre leurs mains ils le laissent facilement s’écouler.

Il n’y a aucun danger à ce qu’un bateau soit dans l’eau, mais il faut prendre garde que l’eau ne pénètre dans le bateau, sans quoi celui-ci coule à pic. De même il n’y a nul inconvénient à ce qu’un sadhak (celui qui cherche la vérité) vive dans le monde comme chef de famille, mais il ne doit pas laisser le monde submerger son esprit. 

Sa théologie de l’unité correspondait à ce qu’entendaient de nombreux Occidentaux, mais elle n’aurait eu qu’un faible écho si Ramakrishna n’avait rencontré vers la fin de sa vie un intellectuel de Calcutta, Narendra Nath Datta, qui devint son disciple et reçut de lui le nom monastique de Vivekananda.

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