Yoga Bikram : Empire financier, procès pour viols, fuite … et le yoga dans tout ça ? Quels sont les principes de ce yoga ?
Aujourd’hui, plongeons ensemble dans une enquête captivante … sur le yoga Bikram !
Si tu veux en savoir plus sur d’autres styles de yoga, tu peux par exemple lire mon article sur le Kriya Yoga, ou sur le Kundalini Yoga, le Viniyoga, sur l’Ashtanga, ou sur le Yoga Iyengar. Et bien sûr, pour en savoir davantage sur le Green Yoga®, c’est par ici 😉
Le yoga Bikram s’est fait connaître dans les années 70, est devenu un véritable empire et s’est répandu partout dans le monde, notamment aux États Unis et en Europe. C’est le yoga de stars comme George Harrison, Ashton Kutcher, Lady Gaga ou George Clooney, pour ne citer qu’eux.
Ses principes sont simples : 40 / 26 / 90.
40°, 26 positions, 90 minutes.
Mais que trouve-t-on derrière cette apparence ?
Parcours de Bikram Choudhury
Enfance
Bikram Choudhury est né à Calcutta en 1944, où il aurait commencé à pratiquer le yoga dès l’âge de 4 ans, de 4 à 6 heures par jour, selon ses dires, avec Bishnu Charan Ghosh.
Il dit également qu’à l’âge de 13 ans, il a gagné le Championnat national indien de yoga, et ceci pendant 3 années de suite. Ce qui est curieux, c’est que ce championnat n’a existé qu’à partir de 1974, des années après qu’il ait quitté l’Inde !
De même, en recoupant ses interviews, et grâce au travail d’enquête de Jerome Armstrong, par exemple, ses allégations d’entraînement intensif très jeune semblent fantaisistes.
Accident d’haltérophilie
Durant son adolescence, il a commencé une pratique d’haltérophilie, et a eu un accident à 17 ans : il a reçu un poids sur un genou. Les médecins occidentaux l’avaient condamné, et c’est grâce à l’aide de Bishnu Charan Ghosh, son maître de yoga, qu’il a réussi à se guérir. Il a suivi la pratique de yoga qu’il lui indiquait, en commençant par la position du lotus, et s’est finalement complètement remis.
Bikram Choudhury a dès lors été pleinement convaincu de l’intérêt du yoga, et c’est ce qui l’a motivé pour devenir lui-même professeur de yoga.
« C’est la raison pour laquelle je deviens professeur de yoga. Pour réparer le genou. À partir du genou, je répare le corps, puis l’esprit, puis la vie »
a déclaré Choudhury à LA Weekly.
Mise au point des principes du yoga Bikram
Ghosh avait pu réparer le genou de Choudhury en utilisant le hatha yoga traditionnel, dans lequel il avait sélectionné des asanas spécifiques.
Choudhury décida de pousser l’idéologie de son gourou plus loin ; il a déclaré à LA Weekly :
« Parmi 84 postures, ou 550 variantes de postures, j’ai choisi 26 postures comme un antibiotique et je les ai mises en séquence, comme une chanson. »
C’est devenu la base du Yoga Bikram.
Mais son professeur y semblait opposé ; il trouvait aberrant qu’il prescrive la même chose à tout le monde.
Choudhury se rend au Japon, puis aux États Unis
Malgré tout, Choudhury a persisté ; il est alors allé enseigner au Japon.
C’est pendant l’hiver japonais, rigoureux, qu’il a eu l’idée de chauffer sa salle de yoga, pour rendre la pratique plus facile et efficace. Ce sera désormais sa marque de fabrique.
Il s’est alors rendu alors aux États Unis, où il a lancé ses studios de yoga avec sa séquence des 26 postures pratiquées dans une salle chauffée à 40°.
Je ne résiste pas au plaisir de vous rapporter ce qu’il s’est parfois plu à raconter, car cela donne une idée de l’exubérance du personnage : c’est le président Nixon en personne qui l’aurait supplié de venir aux États Unis, et l’aurait accueilli en personne sur le tarmac de l’aéroport ! Et Shirley Mac Laine elle-même lui aurait dit, lorsqu’il est arrivé, que ses cours n’étaient pas assez chers !
Il ne semble y avoir aucune preuve ni de l’un, ni de l’autre 😉
Progressivement, l’engouement pour le yoga Bikram grandit, et Bikram Choudhury bâtit un véritable empire en certifiant des milliers de professeurs et en montant des milliers de studios de yoga sous licence.
De par son choix d’un yoga simplifié, certifier des professeurs est rapide, et il décide d’enseigner 400 personnes à la fois dans une salle, à qui il enseignait la série des 26 postures, créant ainsi une très forte énergie de groupe.
Principes du Yoga Bikram
Nous les avons déjà évoqués ; ils sont très simples.
Tout repose sur une série standardisée et immuable de 26 postures, se pratiquant dans une pièce chauffée entre 35° et 42°, avec un taux d’humidité de 40%, et la séance dure 90 mn.
Rien n’est individualisé, le professeur est placé sur une estrade et donne le rythme. Aucune correction ni explication de posture n’est prévue. Chacun, quel que soit son âge, sa condition physique, son expérience du yoga, fait le même enchaînement, mais peut faire ce qu’il peut, au moment où il le peut.
La chaleur et l’humidité font transpirer, ce qui est censé débarrasser plus rapidement le corps des toxines.
- Le cours commence par une séance de pranayama (respiration) debout.
- On enchaîne alors les 24 postures, toutes traditionnelles, mais certaines ont été renommées.
- On termine par Kapalabhati, un exercice de pranayama traditionnel.
Bikram Choudhury dit avoir choisi ces 26 postures parce qu’elles font travailler toutes les parties du corps, pour donner à tous les organes internes, toutes les veines, tous les ligaments et tous les muscles, tout ce dont ils ont besoin pour maintenir une santé et une fonction optimales.
Pourquoi le yoga Bikram me pose problème, sur différents niveaux
D’un point de vue physique
Personnellement, j’aime beaucoup la chaleur. Donc j’ai déjà pratiqué avec plaisir dans ce type de studio très chauffé. Mais je pratiquais déjà le yoga depuis de longues années et je l’enseignais déjà. Je connaissais déjà très bien et mon corps, et les notions d’alignement dans les postures.
J’ai pu voir que bien entendu, d’autres personnes autour de moi étaient plus débutantes, et que les professeurs ne leur apportait pas de prise de recul sur leurs postures.
Il me paraît évident que toute pratique sportive doit être adaptée aux capacités du moment de chaque personne. Et c’est encore plus vrai pour le yoga, qui est traditionnellement une pratique très complète et très subtile, agissant sur le plan physique, sur les organes internes, sur le plan émotionnel, énergétique.
Dès lors, comment une série de posture sans aucun ajustements pourrait-elle convenir à tous ? Le vivant est par essence divers, nous ne sommes pas des machines.
Son professeur de yoga en Inde semble s’être immédiatement rendu compte du problème ; mais Bikram Choudhury est passé outre ses remarques.
Il faut savoir que d’autres écoles de yoga, comme le Yoga Sivananda par exemple, enseignent aussi une seule série assez fixe de 12 postures de base, mais elle est enseignée de façon beaucoup moins dynamique, et dans une chaleur normale.
Au-delà du yoga, de nombreux médecins mettent en garde contre les dangers possibles
Michel Gaillaud, par exemple, estime que le yoga Bikram est avant tout un concept qui peut être néfaste. La chaleur extrême est mauvaise pour la circulation du sang, et peut également provoquer des troubles cardiaques, même un arrêt du coeur si on souffre de troubles. Des contractures peuvent également survenir.
D’autre part, lors des cours de yoga Bikram, les cas de nausées et vertiges sont assez fréquents, mais loin d’être anodins ; ce sont des signes envoyés par le corps indiquant une déshydratation et une montée excessive en température. Personne n’a les mêmes capacités adaptatives.
La chaleur donne l’impression que l’on travaille davantage, mais c’est simplement une illusion, et l’on peut beaucoup plus facilement se blesser. Il est caractéristique, à cet égard, que la majorité des blessures signalées après une pratique de yoga sont dues à la pratique de Hot yoga (Bikram ou d’autres, qui ne sont pas sous licence Bikram car les postures sont agencées différemment).
De nombreux professeurs, après une pratique de plusieurs années de Yoga Bikram ou Hot yoga, se blessent.
C’est le cas par exemple de Paul Grilley, qui a ensuite créé le Yin Yoga (l’article est à venir très prochainement : abonne-toi pour être sûr de ne pas le manquer !).
En plus de la chaleur, il peut être délétère également de répéter toujours les mêmes mouvements, de faire travailler systématiquement les mêmes muscles, avec les mêmes enchaînements.
Une pratique de yoga bien menée règle au contraire les problèmes (comme Bikram Choudhury en a lui-même fait l’expérience après son accident au genou), ne les crée pas.
Respecte-t-on le principe même du yoga ?
Nous avons vu que, d’un point de vue physique, ce n’est pas le cas.
De plus, le but ultime du yoga n’est pas le physique.
Avoir une condition physique optimale sert à calmer le mental, préparer à la méditation et, au final, à la réalisation du soi.
Tout ce pan n’est pas adressé par le Yoga Bikram, il n’en est question à aucun moment.
Peut-on mettre le yoga sous copyright ?
Cela peut paraître fou, puisque le yoga est un art millénaire ; et Choudhury n’a rien créé, il a simplement repris des postures classiques.
Mais en 2011, il a commencé à affirmer que le Bikram Yoga était protégé par un copyright. Et que par conséquent, il ne pouvait être enseigné ou présenté par aucune personne que lui-même n’avait pas autorisée (en touchant à chaque fois des droits conséquents au passage bien sûr).
Ainsi, en 2011, Choudhury a engagé une action en justice contre deux studios de yoga fondés par deux de ses anciens élèves.
Choudhury a perdu en première instance et en appel dans les deux affaires.
À la suite de cette action en justice, le US Copyright Office a publié un ajout stipulant
- que les postures de yoga (asanas) ne pouvaient pas être protégées par le droit d’auteur de la manière revendiquée par Choudhury,
- et que Yoga to the People et d’autres personnes pouvaient continuer à enseigner librement ces exercices.
La personnalité de Bikram Choudhury
Je commencerai par reprendre une phrase du Time à son propos :
« Il est le Harvey Weinstein du yoga ».
Des procès qui se multiplient
Choudhury a fait l’objet de nombreuses poursuites pour viols, harcèlement sexuel et moral, agressions, racisme et homophobie.
Une des plaignantes, Jane Doe, en plus de viols, parle de violences sexuelles, séquestration, discrimination, harcèlement et encore d’autres chefs d’accusation.
On décrit une atmosphère de culte où des membres du cercle restreint de Bikram l’aidaient à trouver les jeunes femmes qui seraient ses proies.
Minakshi Jafa-Bodden a été responsable de ses affaires juridiques et internationales du printemps 2011 au 13 mars 2013. Date à laquelle elle affirme avoir été « licenciée brusquement et illégalement », selon les documents de la Cour déposés le 12 juillet 2013 dans la chambre supérieure de la Cour de Californie, à Los Angeles.
Pendant les deux années au cours desquelles Jafa-Bodden a travaillé en étroite collaboration avec Bikram, elle affirme avoir été à la fois victime et témoin du « comportement grave, permanent, omniprésent et offensant » de Bikram à l’égard des femmes, des homosexuels, des Afro-Américains et de toutes les autres minorités.
Je ne vais pas mentionner ici toutes les plaintes portées contre lui, ce serait beaucoup trop long.
Le 26 janvier 2016, le jury a accordé à Jafa-Bodden un montant de presque 7 millions de dollars en dommages-intérêts punitifs.
Bikram Choudhury organise sa faillite et sa fuite
Prenant peur devant la tournure que les événements prenaient, Bikram Choudhury a choisi d’organiser sa faillite, et de faire disparaître, avec l’aide de son ex femme, un grand nombre d’avoirs. En effet, le tribunal avait eu le temps de saisir une quarantaine de voitures prestigieuses.
Il s’est alors enfui en Inde, où il a commencé à ouvrir des studios de yoga, selon son principe bien établi.
En mai 2017, un juge de Los Angeles a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Choudhury, qui s’est alors enfui au Japon. Aux dernières nouvelles, il serait actuellement au Mexique.
De nombreux studios aux États Unis ont fait disparaître son nom de leur enseigne, car être associé à un tel personnage n’est pas très vendeur !
Actuellement, l’essence de sa méthode, qui continue d’être enseignée sous le nom de hot yoga, demeure très populaire, dans le monde et particulièrement aux États Unis.
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